Dernier tour de chauffe

P12 :  "À présent, Freddy se souriait à lui-même. S’il traînait des pieds, ce n’était pas par nostalgie. Il était juste fatigué d’avoir autant marché. Peut-être qu’il avait sommeil. Et un peu froid. Il finit par rentrer chez lui, dans son bel appartement situé en haut de la rue Neuve Sainte-Catherine. C’était l’heure où les éboueurs entamaient leurs tournées. Marseille s’éveillait doucement, sans bousculer les habitudes de ses quartiers. Pourtant, quand il s’allongea tout habillé sur son lit et qu’il ferma les yeux, une excitation juvénile s’empara de lui. Je vais rouler en TZ !

Jusqu’à ce matin d’automne, Frédéric Mancini transitait les rêves des uns vers ceux des autres.

Demain, il vivrait enfin les siens."

 

P139 : "Le regard de Joël balaya le garage :

— À ce propos, t’aurais pas une petite mousse qui traîne pour la pause récré ?

Jeff soupira et remit ses lunettes :

— Une récréation ? Je vais faire comme si j’avais rien entendu. Continue plutôt le check-up de la TZ !

— Tu vieillis, Jeff. T’es moins marrant qu’avant.

— C’est pas parce qu’on a un budget illimité qu’on va faire la bringue avec.

Joël se moqua doucement :

— C’est vrai que pour un mec qui se tape la moitié d’une bouteille de whisky en moins d’une heure, un pack de bières marquerait mal sur une note de frais mensuelle…

Jeff craqua :

— T’avais bien commencé ton boulot, pourtant…

Joël passa ses paumes sur son crâne rasé :

— Euh… Tu parlais de l’alimentation en air et en essence du carburateur ? Mouais… Et alors ? Ça donne quoi ?

— Une proportion équilibrée à toutes les ouvertures, grandes ou faibles.

Devant le visage sceptique de Joël, Jeff rajouta :

— Tu crois m’apprendre comment régler l’avance sur une TZ ?

— Ah ! Mais savoir jongler avec le rotor et le stator n’est pas donné à tout le monde !

— Dites-moi que je rêve ! Juste lui, il va m’expliquer comment faire monter le piston au point mort haut !

— Blague à part, à combien tu as calé ton allumage ?

— À 1,8.

Joël secoua la tête d’un air approbateur :

— T’es le meilleur. Je vois pas pourquoi tu t’obstines à me vouloir à tes côtés.

— Parce que notre histoire commence par : « Il était une fois un mec endetté jusqu’au cou qui… » Je remonte aux origines de la série ou on passe tout de suite à la saison 3 ?"

 

P103 : "Jeff sourit. Sa ressemblance avec l’acteur américain Jeff Bridge rassurait Freddy. Peut-être parce que ses rôles au cinéma parlaient de la vraie vie. Celle qu’il aimait par-dessus tout en tant que boss.

— Si tu connais bien les TZ, tu sais combien ces grandes dames peuvent être susceptibles en cas d’impolitesse…

Freddy acquiesça en plaçant ses mains sur les poignées. Sa hâte d’enfourcher son jouet était visible.

— Autrement dit, à moi de m’en servir avec tact.

— J’suis pas inquiet. Je te l’ai réglée comme une horloge.

— Tu as conservé sa configuration standard ?

— Oui, version 1981. Carbus de 36 millimètres, cylindres Yamaha 4 transferts et valves à l’échappement. Cela te convient ?

— La moto sera plus souple et plus facile, donc d’une plage d’utilisation plus large. Pour commencer, cela me paraît correct. Je peux la démarrer ?

Jeff lui fut reconnaissant de respecter le pacte. En tant que chef mécano, toutes les décisions concernant les conditions de roulage passeraient dorénavant par son consentement.

— Je t’invite à le faire.

Le trépied fut retiré et Freddy s’assit sur la TZ avec une aisance de sportif.

— Voilà plusieurs mois que j’attends ce moment…

Afin de mieux apprécier l’instant, il ôta son blouson et le jeta familièrement sur un fauteuil. Excité, il recoiffa ses cheveux vers l’arrière avant de présenter la moto sur un démarreur électrique. Une commande posée sur le sol permettait au pilote de gérer lui-même le top départ. Aussitôt la pédale actionnée, la machine se lança et une fumée blanche sortit des pots, embaumant les locaux de son odeur typique d’huile de ricin. Puis, quelques engorgements cassèrent le rythme strident qui plaisait tant aux deux hommes. Jeff fit signe à Freddy de pousser l’accélération. La TZ monta rapidement dans les tours et le boucan s’amplifia, tout en étant plus harmonieux. Et le motard se vit déjà rentrant chez lui, béat et serein. Le bout des doigts noircis par les gants de cuir. Les cheveux collés par le casque intégral. Avec, dans son sillage, cette indescriptible odeur crachée par un cheval de fer à la nature indomptable."

 

P 173 : "Une flèche traversa son cœur. Elle y a pensé. Mais la douleur qu’il ressentit ne tenait pas les promesses de Cupidon. Pas de béatitude. Mais des poings et des dents serrés. Il s’en voulut de s’être embarqué dans ce vernissage aixois. Si seulement j’avais passé la soirée chez moi. Un nœud se forma dans sa gorge. Et son pied se fit lourd sur l’accélérateur lorsqu’il quitta la villa coloniale et son ambiance étouffante. Sur la route de Cézanne, les 550 CH du modèle Panamera prirent rapidement de la vitesse et enchaînèrent les virages façon rallye. Le compteur à trois chiffres narguait les panneaux de signalisation. À chaque échappée frénétique, dans la lumière des phares, Freddy voyait un avion s’élever en altitude alors que son turbo demeurait cloué au sol. De rage, il accélérait de plus belle, déportant la Porsche vers la gauche pour mieux caresser le point de corde des courbes de la chaussée étroite. Il était conscient de risquer un retrait de permis. Ce serait ballot à la veille d’une compétition. En vérité, il était déjà sur la piste. Just to be the winner. Son pouls dépassait les cent vingt pulsations. Cela monterait plus haut. Il connaissait ce rythme. Celui de son corps. Celui du couple harmonieux des pistons et des bielles. Ce feulement rauque et feutré dont il était accro. Encore plus lorsqu’il avait bu. D’habitude, c’était un jeu. Admission. Compression. Explosion. Transmission. Une véritable osmose entre la chair et la mécanique.

Pas cette fois. Une douleur insupportable scia en deux sa poitrine. Rien à foutre. Il continua rageusement à éprouver la puissance du moteur, sa tension artérielle ensorcelée par les râles des 8 cylindres disposés en V. Comme victoire. Au point de verser des larmes de jouissance. Une vulnérabilité qu’aucune femme ne verrait. Jamais. Cela dura jusqu’à vivre une illusion d’optique. Un drapeau rouge s’agitait devant lui. Je mélange tout. C’était en réalité le gyrophare d’un véhicule de la gendarmerie qui barrait la route à cause d’un accident.

Il leva le pied à temps et dut faire demi-tour."

Couverture roman 150x210

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Auteur indépendant se définissant comme Artisan littéraire, Peintre de l'écriture et Orfèvre du vocabulaire,

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